Il s'était engagé dans la ruelle de droite. Je la connaissais bien. Ses fenêtres si proches les unes des autres que l'on pouvait se refiler des canettes de bière d'un côté à l'autre de la rue juste en tendant le bras. Des vêtements, étendus sur de fines cordelettes pendues aux fenêtres, masquaient le ciel, faisant sublimement barrage à toute tentative de l'univers d'illuminer le sol pavé et glissant de cette rue à peine moins étroite que le couloir qui menait à ma chambre.
Il y en avait peu des ruelles comme celle-ci à Sygridh et pour y avoir passer le plus clair de mon temps, je n'en avait jamais trouvée d'aussi singulières.
    Il était évident que je ne pourrais pas me battre dans ces conditions et encore moins le suivre furtivement. De toute façon, ce n'était pas mon fort.
Il fallait donc agir, agir très vite parce qu'au bout de la rue, c'était la place. Et là, j'étais bon pour rentrer chez moi car rien n'aurait été possible au milieu de cette foule.

    Juste un regard pour vérifier qu'il était toujours à distance.

    Mes mains au sol, il se fendit pour y faire jaillir un morceau de bois d'une vingtaine de centimètres. Joliment orné, taillé et peint, on y discernait des cornes en spirale caractéristiques du bélier. C'était nécessaire. Je ne me voyais pas grimper sur les toits sans ça. J'avais toujours été mauvais en équilibre. Pour preuve je ne savais toujours pas faire de vélo et j'ai encore la profonde cicatrice de ses heures passée à tenter de tenir debout sur la poutre de l'école, étroite et à la hauteur folle d'une trentaine de centimètres du sol !
Une raison supplémentaire qui alimentait mon aversion sévère pour tout ce qui concernait de près ou de loin l'apprentissage d’absurdité institutionnel. Mon père m'avait enseigné ce qu'il fallait savoir sur ce monde, comment et pourquoi il fonctionnait ainsi. Nul besoin de participer à leur bourrage de crâne en bande organisée.

    Mes doigts s'entrelacèrent fermement autour de la gouttière tandis que mon pied s'appuyait sur une bague fixant cette même gouttière au mur presque friable de ce vieil immeuble qui faisait l'angle.

    Ce vieux con de Melisto l'avait refilé au plus offrant, comme toujours. Je lui avait pourtant demandé de me le garder le temps que je réunisse la somme mais... J'aurais dû le savoir de toute façon. C'est un petit homme vénal, aux mains griffus pour ne pas laisser filer le moindre centime et au regard sournois en guise d'avertissement à sa cupidité sans égale. Moi qui pensait cette légende des leprechauns complétement absurde, j'avoue commencer à douter.
Son boui-boui n'en est pas moins le point de rendez-vous de tous les collectionneurs de babioles magiques et à juste titre. Il avait tout et n'importe quoi. Surtout n'importe quoi, à dire vrai. Mais celui-ci, il me la fallait, il me fallait ce pétale. C'était peut-être ce qu'il me manquait, peut-être la clé qui me permettrait de sceller le destin de Mayra, pour toujours. De lui offrir la vie éternelle...

    Mon ascension prenait fin avec cette impulsion vive qui me lançait à vive allure sur les toitures frêles de la ville. Je dois trouver un angle d'attaque. La poussière se lève sous mes pieds. Les cheminées défilent. Le vent siffle, coupé nerveusement par mes mouvement qui fendent l’air. Régulier. Comme une machine. Je regarde vers le bas. Aucun signe de lui, ou de qui que ce soit. Le temps semble ralentir, s’arrêter même. Je vois le vide, au loin. Après ça, ça sera finit. Tout sera finit. Mes jambes perdent en assurance. Je perds l'équilibre. Je perds de la vitesse... Là !
En apesanteur un bref instant, la ruelle me happa. Emportant des cordes à linge sous mon poids, je le heurta violemment. Une douleur presque électrique, semblable à une décharge, me transperçât. Pas le temps de souffrir, il se relevait déjà.

    Il était trapu et semblait vif. Je le connaissais de réputation, du temps ou je travaillait pour Melisto. Il venait souvent, toujours pour des fleurs. Il avait prit soin de dissimuler son visage a chaque fois. C'était toujours le vilain leprechauns qui s'en occupait comme-ci il aurait mal pris qu'un autre que le patron lui-même soit à son service... C'était du costaud ce mec et il allait falloir que je le neutralise avant qu'il comprenne ce qu'il se passe.
Le bélier était bien trop loin pour que je puisse prendre le dessus physiquement et je n'avais pas de place pour me battre.

    Cette fois-ci c'était un bec crochu et des yeus vifs, certis d'ambre, qui avaient prit racine entre les pavés.
Une aura douce et voluptueuse caressait les ondées du vent qui s'engouffrait dans la petite ruelle. Elle était là, à portée de main, au bout des doigts.
J'avais juste eu le temps de tendre le bras que le sol vint me percuter la face. J'avais ressenti cette drôle de sensation de vertige qui nous étourdit lorsque l'on pense poser un pied sur une marche de l'escalier alors que l'on est déjà au sol.
Il s'était envolé, dissout dans l'air, disparu. Il me fallait tout recommencer sauf que désormais, il savait que j'étais après lui.
    J'étais là, comme un con, au milieu de cette ruelle où je l'avais rencontrée, douce et voluptueuse. Celle qui avait mit un terme, à ma vie tristement banale. Terriblement simple.

In real life Mon pseudonyme fréquent est TEA, j'ai 23 ans tout juste et j'aime les cookies et l'ice tea (celui qui a choisi les cookies et l'ice tea est fait pour moi. Hehe.). J'ai connu le forum sur un top sites et j'apprécie l'accueil de ses membres et l’accessibilité de Joon . Le code est Tourner à gauche, puis à droite, et encore à droite, ensuite reculer de trois pas et... Vous voici nulle part !.